Vendredi 1e octobre L’arrivée (Part 3)

Publié le par Esmeralda, en SVE, en Ukraine

 

Il est tard (minuit) et je suis fatiguée de mon long périple plein d’émotions. J’essaierai malgré tout de revenir sur les évènements de la journée (depuis que je vous ai quitté pour prendre un snack jusqu’au moment où j’écris ces lignes), tout en sachant que je ne pourrai les poster que demain.

Mon cerveau n’est peut-être plus ce qu’il était puisque ça fait maintenant 20h que je suis debout et que je n’en avais dormi que 4 la nuit antérieure…soit ! entrons dans le vif du sujet avant que tout cela ne s’efface de ma mémoire (je vais essayer de me créer une discipline et de reprendre les évènements/observations de la journée chaque soir).

 

En premier lieu l’avion de Copenhagen à Kiev, toujours un vol SAS donc de qualité et comme je souffre d’un petit refroidissement (sûrement dû au séjour en montagne en Suisse où à mes déplacements en vélo sous la pluie hier), je souffrais de la pression dûe à l’altitude durant le vol et l’hôtesse m’a trouvé un remède miracle : les oreilles de Mickey Mouse ! Du moins, c’est comme ça que les Danois appellent un stratagème fait de 2 verres en plastique dont le fond est couvert de serviettes papier ébouillantées et qu’on colle sur ses oreilles comme si on voulait ne plus rien entendre. Je ne sais par quel processus biologico-mécanique mais l’effet de chaleur crée un tampon qui annule la pression auparavant ressentie du devant à l’arrière de ma tête en passant par le visage et principalement les sinus. Bref à redemander : les oreilles de Mickey Mouse ! Plus efficaces de loin que le truc du chewing-gum ou souffler dans son nez.

 

Ensuite arrivée à Borispol aéroport, la douane est une formalité même s’il fallait longuement faire la file. Pendant ce temps-là, j’ai eu l’occasion d’observer leur vidéo d’information aux voyageurs, et les recommandations par rapport aux éléments interdits dans un sac étaient particulièrement visuelles. Un gentleman en costard-cravate  sort divers objets de son sac (une bouteille d’eau : poubelle, etc., je ne sais pourquoi mais avec un tel calme que je m’attendais à le voir sortir une tronçonneuse..), la partie comique est qu’il sort un objet oblong parfaitement emballé et dont la contenance n’est jamais révélée. Il le présente à la douane, on l’étiquette et ça passe. Comme il n’y avait pas de sous-titres, je n’ai pas pu m’empêcher de les créer moi-même : «  si vous transportez des objets secrets pour la mafia locale, prière de le signaler. Ce paquet sera traité avec la déférence qui lui est due et personne ne vous ennuiera. » J’avoue que je m’ennuiyais un peu et du coup, je laissais courir mon imagination. Mais bientôt, je n’ai plus eu besoin d’imaginer car la réalité rattrapa l’imaginaire avec un documentaire sur Euronews (l’écran était passé à la télé classique) sur une école du cirque en Colombie composée de militaires…. Je ne sais pas s’il s’agit d’un programme de réhabilitation de militaires qui ont commis des atrocités et souffrent de séquelles psychologiques ou si c’est un programme de réhabilitation des forces armées aux yeux des Colombiens en les faisant rire déguisés en clown…

 

Une fois la douane traversée, Lenka (la volontaire Tchèque déjà présente sur place depuis janvier 2010) m’attendait avec une carte SIM pour mon téléphone, j’ai pu prévenir la Belgique que j’étais bien arrivée. Elle m’a ensuite conduit vers les bus locaux (Marutschka ou un truc dans le genre, j’ai déjà oublié), je n’ai pu m’empêcher de mitrailler ces vieux engins qui vous asphyxient d’un nuage noir, tout à fait le cliché qu’on se fait d’un ex-pays soviétique… Après une bonne vingtaine de minutes de retard, le bus qui ne peut contenir guère plus d’une douzaine de personnes et n’a pu emmagasiner tous nos sacs qu’en les écrasant les uns sur les autres (au détriment de l’une ou l’autre de mes crèmes qui ont éclaté sur mes habits…) arrive et démarre une forte négociation qui m’échappe totalement. Les billets sont réservés à l’avance et trois bus en provenance de Soumy arrivent en même temps (en sachant qu’il y a plus de 5h de route, ils pourraient s’alterner et faire ainsi en sorte qu’il y ait 1 bus toutes les 20 minutes au lieu d’1 chaque heure…). Quelques accrochages et langage coloré  - de ce que j’ai pu deviner - s’ensuivent avant la montée du bus et durant la traversée, un passager me glisse en anglais « welcome to Ukraine », au moins ils ont le sens de l’humour ! J

En fait, cette « traversée » est uniquement pittoresque grâce aux gens car le long de la route, je ne vois guère que des arbres et des champs (parfois les agriculteurs sont occupés à y travailler) mais après 2h de route on fait 1 stop de 20 minutes pour se désaltérer, se sustenter ou se « soulager » (en réalité un autre stop avait eu lieu auparavant ; de 10-15 minutes, il était  réservé aux 3 chauffeurs qui s’étaient arrêtés ensemble pour fumer le long de la route…). L’endroit est parsemé de petites échoppes qui vous vendent des snacks ou des souvenirs. Les bonnes vieilles babuchkas sont là et je ne manque de goûter un « gâteau » de viande (bien m’en a pris puisqu’il n’y aura pas de souper après, puisque mon arrivée a lieu après la fermeture du petit magasin du coin et que la propriétaire m’attendait pour faire l’état des lieux).

2 films Ukrainiens (ou plutôt Russes je pense) seront diffusés le temps du voyage un drame (famille tuée dans un accident de voiture, nouvel amour, trahison, jalousies etc.) et une comédie (un dérivé du thème des doppelgängers avec 2 hommes qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau mais l’un est un politicien – ou homme d’affaire, c’est difficile à dire quand on en comprend pas la langue – et l’autre fermier, ils échangent leur place l’espace de quelques jours avec toutes les situations cocasses et clichés que vous pouvez imaginer). Let’s face it ! Ce n’était pas du grand art, mais quand je ne m’endormais pas, bercée par les mouvements chahutés de notre bus, j’ai pu goûter à l’immersion linguistique, ce qui s’avéra utile par après.

Une autre chose que j’ai constatée à l’aéroport et sur la route est la présence de chats et chiens errants. Lenka me prévient aussi de ne pas me surprendre face à l’éventuelle saleté des rues et négligences des habitants (qui jetteraient par exemple leurs bouteilles d’eau par terre après l’avoir terminé).

Une fois arrivées à Soumy, on prend un autre mini-bus ancien vers mon appartement (le trajet ne dure que quelques minutes car je suis près du centre). Il est déjà 22h30 lorsque l’on arrive au « HLM » et l’endroit n’est pas très illuminé ce qui ne le rend pas rassurant au soir. Lenka me dit que ses amis Ukrainiens ne la laissent pas se balader seule au soir, que les filles doivent faire attention. Note prise !

 

J’arrive à l’appart, et même si je m’y attendais, j’avoue que c’est choquant ! Tout à fait comme dans les films, l’intérieur est un peu délabré, les escaliers en béton poussiéreux et l’ascenseur si poussif qu’on décide de le prendre séparément – chacune avec un sac - par sécurité (par contre, IL Y A un ascenseur, c’est déjà un luxe). L’appartement n’est guère mieux, assez sobre dans sa déco, il manque un peu d’hygiène car les occupants antérieurs n’ont pas pris la peine, il semble, d’y remédier (voir la poêle graisseuse et le fond de baignoire). Tout est très rudimentaire, la douche fonctionne à travers le robinet de l’évier (système compliqué à expliquer mais qui consiste à faire couler l’eau dans l’évier puis tourner un levier qui la transfère au pommeau de douche) et j’apprends que la compagnie de chauffage n’ouvre le chauffage qu’au 15 octobre (ça c’est pire que les proprios radins de Bruxelles ! et j’en ai connu ;) Ceux qui connaissent mes normes exigeantes en matière d’hygiène savent que je vais passer les prochains jours à frotter…

Je donne peut-être l’impression de me plaindre et il faut que je corrige ceci. Je savais à quoi m’attendre en venant ici et je désirais justement me plonger dans la réalité plus précaires d’un pays qui se trouve somme toute sur le même continent mais qui vit si différemment. En tant que militante, j’estime que ce n’est qu’en étant confrontée à d’autres réalités qu’on comprend comment et sur quoi agir. Et comme je le constate ici, il n’est nullement nécessaire d’aller jusqu’en Asie ou en Afrique pour expérimenter un quotidien que l’on ne pourrait ni imaginer. C’est donc de bonne foi et de bon cœur que j’embrasse les difficultés qui s’ouvrent à moi, en sachant qu’il s’agit aussi d’une leçon personnelle puisqu’il est bon d’être rappelé parfois du confort et de la sécurité dont on bénéficie dans nos pays occidentaux.

Comme les 2 autres volontaires n’arrivent que dans 1 mois (le Polonais a un problème de reins et l’Allemande attend toujours son visa), j’ai l’avantage de choisir ma chambre. Je choisis la petite chambre car orientée sud, plus facile à chauffer et bénéficiant du luxe non-négligeable d’une garde-robe (la 3e chambre est dans le salon et donc bonjour la télé ! quant à la 2e, elle sentait un peu le moisi donc bonjour l’humidité, ce qui est à éviter pour une asthmatique comme moi). Mon seul vrai problème est que l’organisation avait oublié de prévoir des draps et que le matelas, les couvertures et les coussins ne sont pas de la première fraîcheur…Mais soit, c’est juste pour une nuit. J’ai déjà fait ma liste de choses à acheter demain dont couette, couvre-matelas, coussin, etc. Une allergique se doit de faire extrêmement attention à la litée.

Il est regrettable aussi que l’internet n’ait été payé qu’aujourd’hui et du coup, je devrai attendre quelques jours avant d’être connectée, c’est pourquoi je ne posterai ces articles que demain matin depuis le bureau. Avantages : la salle de bains contient une machine à laver (luxe que j’ai rarement connu à Bruxelles) et des fils à linge sur le balcon attenant la grande chambre, même si je peine à croire que le linge sèche dans cette humidité…J’ai un bureau dans ma chambre (encore une fois, je n’en avais pas à Bruxelles), et bien que la chaise soit irrégulière et plaintive, ça fait l’affaire pour écrire ces quelques (nombreuses) lignes.

Je terminerai sur la note positive de l’échange avec la propriétaire et son fils. Il baragouinait quelques mots d’anglais, et moi à force de gestes (Eoin connaît ma technique, il l’a vue en Italie ;), et entraînée par les 5 heures de film à comprendre le russe/ukrainien par le jeu du contexte (un mot et on devine J on a réussi à communiquer sur toutes les instructions relatives à l’appartement et même créer un lien d’amitié puisque le jeune garçon va à l’université de danse cosaque (??) j’ai pas 100% compris mais en tout cas, je suis invitée à leur prochaine représentation en novembre !

 

Je dois dire que comme Lenka me l’a répété, c’est l’élément le plus marquant ici, combien les gens sont aimables. Il faut parfois s’imposer dans les circonstances comme celle de prendre place dans le bus, mais lorsque vous avez vraiment besoin d’aide, les gens se proposent spontanément. Nombreux sont ceux qui nous ont aidé à soulever mes 3-4 sacs et je dois dire que ça ne se voit pas tous les jours à Bruxelles !

 

Je ne nierai pas que ça fait un peu peur de me dire que je vais passer l’hiver dans cet appart sans double vitrage, où l’eau chaude pourrait venir à manquer (ce qui m’est arrivé plein de fois à Bruxelles, pendant plusieurs parfois, donc je suis rôdée), le chauffage cesser de fonctionner (pareil Bruxelles !) dans des températures que je n’ai jamais connues (-10-20°) mais il ne faut surtout pas se laisser démonter. J’ai tellement de choses à découvrir, d’idées à faire germer, de rencontres et de liens à nouer que je vais aller dormir tout de suite pour être prête pour la journée enrichissante qui se prépare demain (Lenka m’emmène à un concert philarmonique et puis on rentre à l’appart avec ses amis pour faire la fête au nom de mon arrivée, Lenka restera dormir pour éviter de prendre un taxi trop tard et pour m’éviter de me sentir trop seule). Une chose est sûre, ceux autour de moi s’affairent pour rendre ce séjour aussi plaisant que possible, à moi de faire le reste !

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